Éditorial : ‘Cité’ s’invite (à nouveau !) dans le débat démocratique

En juin 2007, paraissait le numéro 48 de Cité, consacré aux propositions d’instauration d’une VIe République. Ses contributeurs ignoraient qu’il s’agirait du dernier opus d’une collection créée un quart de siècle plus tôt. Quinze années se sont écoulées – trois quinquennats, pourrait-on dire – et voilà que Cité renaît de ses cendres, pour une diffusion désormais semestrielle.

Le premier numéro de Cité, paru en octobre 1982

Bien sûr, l’environnement dans lequel était apparu le titre a radicalement changé. Il y a quarante ans, dans l’enthousiasme qui suivait l’arrivée au pouvoir d’une majorité socialiste, plusieurs petites formations politiques, dont le Mouvement des démocrates de Michel Jobert (alors ministre du Commerce extérieur) et la Nouvelle Action royaliste de Bertrand Renouvin (par la suite membre du Conseil économique et social), s’étaient rapprochées au sein des Clubs pour la Nouvelle Citoyenneté. Cité avait initialement vocation à abriter les recherches et la confrontation des idées émanant de ces clubs. Malgré la modestie de ses moyens, la revue a accueilli dans ses pages et autour des tables des séminaires qu’elle a organisés les analyses des plus grands intellectuels de l’époque. Qu’on songe, par exemple, à l’anthropologue René Girard, aux philosophes Emmanuel Lévinas et Edgar Morin, au géopolitologue Alexandre Adler ou encore à l’historien François Furet, interrogé à l’occasion des célébrations du bicentenaire de la Révolution française.

Les Clubs pour la Nouvelle Citoyenneté n’ont pas survécu à la disparition du Mouvement des démocrates au milieu des années 1980. Cité a néanmoins poursuivi sa parution, d’abord sous l’impulsion de Philippe Cailleux, puis du sociologue Pierre-Paul Zalio et enfin de l’écrivain et journaliste Luc de Goustine. C’est aujourd’hui une équipe de rédaction indépendante, entièrement renouvelée, qui prend les rênes de la publication. Ses anciens habitués devraient y retrouver, nous le croyons, l’ouverture et l’exigence qui étaient les maîtres mots d’une revue désireuse « de proposer une réflexion d’ensemble, par-delà les camps idéologiques et politiques, par-delà les corporatismes et les égoïsmes partisans qui prétendent imposer leurs vues partielles et partiales à l’ensemble de la communauté » (Éditorial du n° 1, octobre 1982). Quant aux nouveaux lecteurs, nous espérons qu’ils y découvriront des points de vue originaux autant que stimulants pour éclairer notre société si complexe et imprévisible.

Fidèle à l’esprit de ses fondateurs, Cité entend également poursuivre, à travers cette nouvelle collection, un débat plus que jamais nécessaire sur l’avenir de la démocratie, sur la préservation de la souveraineté et du bien commun et sur la poursuite d’un vif et fructueux dialogue entre des peuples dont les cultures plurielles sont la source de bien des malentendus. Ces préoccupations résonnent particulièrement à l’heure où paraissent ces lignes, un mois jour pour jour après l’agression miliaire de la Russie contre l’Ukraine voisine qui a plongé l’Europe entière dans la crainte d’une déstabilisation puissante et durable des États-nations.

La nouvelle donne géopolitique qui résultera du conflit en cours alimentera le moment venu, avec le recul indispensable, les colonnes de Cité. En attendant, l’autre actualité de ce printemps 2022 – les échéances électorales – ont inspiré le dossier proposé dans ce numéro de relance. Les deux scrutins majeurs, la présidentielle et les législatives françaises, s’ouvrent au sortir de la plus grande pandémie de ce siècle encore jeune. Ils succèdent à trois consultations locales amplement perturbées par ce contexte sanitaire. Les mouvements sociaux de forme atypique qui ont agité le pays ces dernières années, le taux d’abstention en progression continuelle et la versatilité des électeurs, lesquels plébiscitent les représentants des partis traditionnels à l’échelle locale mais les délaissent lors des élections nationales, interrogent sur l’état politique et démocratique du pays.

Notre dossier a pour objectif de comprendre les origines profondes des doutes, des peurs, des colères ou des aspirations du citoyen français d’aujourd’hui, et peut-être de dessiner quelques perspectives pour assainir son rapport au Politique (l’art de gouverner), à la politique (la vie publique) et aux politiques (les hommes qui en font professions et les programmes qu’ils mettent en œuvre). Aux analyses de Philippe Arondel et de Pierre Bonnay, auteurs de Cité, s’ajoutent les réflexions de Madeleine Arondel-Rohaut, agrégée de philosophie, du politologue Jérôme Sainte-Marie et de l’universitaire Williams Benessiano. Que chacun d’entre eux soit chaleureusement remercié de son inestimable contribution à la renaissance de Cité.

Vous (re)découvrirez par ailleurs, en seconde partie de ce numéro, un ensemble de chroniques directement alimentées par les membres de la rédaction, avec notamment les incontournables recensions d’œuvres recommandées aux lecteurs. En évoquant les non-dits du débat autour de la dette publique, l’économiste Frédéric Farah inaugure la rubrique « Hors des sentiers battus… », destinée à devenir le refuge des prises de position à contre-courant de la doxa sur de grands thèmes d’actualité. Enfin, le comité de rédaction de Cité avait à cœur de rendre hommage à l’essayiste Coralie Delaume (1974-2020) dont la pensée et les travaux sont présentés dans une (autre) nouvelle rubrique, « Une œuvre à découvrir ».

Pierre-Henri Paulet
Rédacteur en chef de Cité

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